Elections en Iran : suite

Voilà. Les dés sont jetés.

Hassan Rohani, 64 ans, a été élu samedi président de l’Iran dès le premier tour avec 18,6 millions de voix (50,68%). [Article Libération]

Pour l’avenir, on s’attend à ne pas assister tout de suite à une révolution : Rohani, pourtant “modéré”, était le seul mollah (religieux) des six candidats. Et par-dessus tout, ces six candidats avaient été “autorisés” par le Conseil des Gardiens – dont la moitié des membres sont nommés directement par le Guide suprême, en l’occurrence ici Ali Khamenei.

Une infographie très complète visible ici nous apprend que le président, élu par le peuple pour quatre ans, nomme les 21 ministres du gouvernement ; nominations qui peuvent être approuvées ou refusées par les 290 membres du Parlement (appelé Majlis) élus par le peuple pour quatre ans également. Le Parlement vote des lois.

Le peule élit pour huit ans les 86 religieux de l’Assemblée des Experts qui élit / révoque le Guide suprême…

Ce Guide suprême pèse très lourd dans cette organisation :

  • Il nomme / révoque les 51 membres du Conseil de discernement (Majma) qui arbitre les conflits entre le Majlis et le Conseil des gardiens (voir plus bas) et décide de la politique générale ;
  • Enfin, il nomme les six religieux qui siègeront aux côtés de six juristes civils, dans le Conseil des gardiens. Ce Conseil a la possibilité d’approuver ou de s’opposer aux lois votées par le parlement. C’est ce Conseil également qui approuve ou refuse les candidatures pour les présidentielles (nous évoquions cela plus haut).
  • Il a toute autorité sur l’armée, la police, les milices islamiques, les télévisions, les radios, les fondations et les mosquées.

On se rend ainsi compte que le système politique iranien est très majoritairement entre les mains du Guide suprême à côté duquel le président fait plutôt pâle figure, en terme de prérogatives. Le président a changé et le Guide suprême est resté le même. En quoi – pouvons-nous nous demander – le changement de président peut-il provoquer des changements notables ? Certes, Ahmadinejad n’inspirait pas l’Occident – et au-delà – par son comportement (c’est un euphémisme). Un Rohani pourrait déjà montrer au monde un visage différent et cela irait – nous pouvons l’espérer – dans le sens d’un dégel Iran-Occident. Ceci dit, nous verrons rapidement si ouverture il y a en Iran. Mais il y a fort à parier – osons cette image – que si l’on a changé de modèle d’ordinateur, le disque dur, lui, est resté le même.

Et je repense au Peuple iranien. Près de la moitié de la population, dans ce pays, a moins de 35 ans. Cette jeunesse, qu’a-t-elle donc vécu ? Le 11 février 1979 – il y a 34 ans, donc – après la chute du Shah, l’Ayatollah Khomeini arrivait au pouvoir. Cela fait 34 ans que la révolution a eu lieu, autant dire que la plupart des Iraniens n’ont jamais connu d’autre environnement politique que cette théocratie peu tolérante…

Donc, au revoir Ahmadinejad ! Et pour symboliser cet aspect, voici un dessin qui a circulé sur les réseaux sociaux. Je vous laisse apprécier (merci Azin)… 🙂

Go Home, Mahmoud !

Enfin l’Iran vu par les dessinateurs : “Perse et fracas” – La vidéo :


Exposition “Perse et fracas” par courrierinternational

Mana Neyestani est un auteur iranien en exil. Il vient de publier un recueil de ses dessins publiés sur les sites d’opposition iraniens, “Tout va bien !”, aux Editions Arte/çà et là. L’an dernier, son roman graphique autobiographique “Une Métamorphose iranienne” (mêmes éditeurs) avait connu un vif succès. [Voir l’article sur le site de Courrier International].

Alors, les choses vont-elles changer en Iran après ces élections ? Nul doute qu’à ce sujet, nous ne devrions pas tarder à en savoir plus…


Mise à jour du 17 juin 2013 : Après le premier discours du nouveau président Hassan Rohani, l’image de “l’ordinateur et du disque dur” semble se confirmer…


Mise à jour 2 : Cette impression de mystification dans cette élection semble se confirmer. L’information d’un boycott gigantesque de la population le jour du scrutin n’a jamais été entendue ou lue en France.

Pour être complet, ci-après la conclusion de l’article de l’excellent site Iran-Resist.org que vous trouverez à cette adresse : http://www.iran-resist.org/article6550.html :

En conclusioncette semaine, le régime n’a en fait connu que des boycotts colossaux ! Ses dirigeants ont aussi connu des divisions internes sans précédentes dans leur lutte pour dominer le jeu et être prioritaires pour l’accès à des négociations permettant leur fuite. Les mollahs du clergé ont certes élu un soi-disant modéré pour ce jeu, mais il ne fait pas consensus entre les composant du régime et en plus, il ne pas honorer ses promesses de modération car il doit alterner les menaces et les rebondissements pour obtenir des garanties de sécurité. On peut comme les Français se voiler la face avec des commentaires rassurants et un optimiste irréaliste, mais nous avons là un régime rejeté à 100% par le peuple et par ses fonctionnaires, et en plus, parcouru de sales vibrations internes comme un intestin malade.

C’est pourquoi dans notre émission télévisée de lundi vers l’Iran, sur l’ébauche de cette même analyse traduite en direct, nous avons félicité les Iraniens pour leur unité dans le boycott et les avons rassurés qu’ils verraient dans les prochains mois l’échec du joker Rowhani et la défaite du régime en décomposition des mollahs.


Commentaires

3 réponses à “Elections en Iran : suite”

  1. […] a commencé avec cet article du 16 juin dernier publié à l’occasion des élections iraniennes. J’y ai découvert une vidéo […]

  2. […] le nouveau président de l’Iran ! Nous en parlions ici… La veille de son investiture, vendredi 2 août, il avait affirmé […]

  3. […] Nous avions déjà évoqué les élections qui se sont déroulées dans ce pays récemment. Nous nous étions rendu compte que la notion de « modéré » était pour le moins relative aussi (une belle illustration : le dessin de Plantu un peu plus bas). Mais comment pouvions nous espérer des miracles alors que le système politique iranien est tel que le Guide suprême Ali Khamenei (élu pour huit ans, lui) détient des pouvoirs exorbitants ! En bref, c’est lui qui nomme la moitié des membres du Conseil des gardiens. Lui encore qui nomme ou révoque les cinquante-et-un membres du Conseil de discernement (qui décide la politique générale). Le Conseil des gardiens a quant à lui le pouvoir d’approuver ou de s’opposer aux lois du Parlement. Ce Parlement (Majlis) peut approuver ou refuser des ministres du gouvernement nommés par le Président Rohani. […]

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