Étiquette : Histoire et sagesses d’Ahiqar l’Assyrien

  • De la fleur à la parole

    Amandier

    Depuis quelques semaines, semblant sortir d’une torpeur hivernale bien trop longue, des milliers de ces petites fleurs d’un blanc immaculé ont garni les branches des amandiers. Premiers signes d’un renouveau tant espéré.

    Mais qui se douterait que dans un vieux texte qui plonge ses racines jusqu’à la Mésopotamie, l’amandier est présent ? Ce récit s’intitule « Histoire et Sagesse d’Ahiqar l’Assyrien ». En marge du texte – véritable roman d’aventure avec ses intrigues, traîtrises, suspens et personnages hauts en couleur – et dont plusieurs versions ont été découvertes, nous trouvons deux séries de maximes de sagesse. Parmi ces maximes, voici ce que nous rapporte la version syriaque :

    « Mon fils, ne te hâte pas de répondre et ne mets pas de jactance dans tes réponses et tes discours, comme l’amandier qui pousse des feuilles et verdoie avant tous les arbres et ne donne ses fruits qu’après tous les autres ; sois comme l’arbre agréable, admirable, doux et plein de saveur, comme le figuier qui incline ses branches, verdoie et pousse des feuilles à la fin, bien que son fruit soit mangé avant tout autre ». (Maxime 10)

    Le même récit a été emprunté dans les Mille et Une Nuits ; nous le retrouvons sous le titre « Sinkarib et ses deux Vizirs ». Et voici ce qu’une autre maxime de sagesse nous livre :

    « L’amandier est de tous les arbres le premier qui se couvre de fleurs, et le dernier qui donne du fruit. Imitez le mûrier, il donne le sien avant la feuille ».

    De la parole aux actes. La personnification concerne la durée qui sépare la floraison (février) et l’apparition du fruit (jusqu’à octobre). Ce temps qui, transposé à la prise de parole, nous met en garde de ne pas répondre avec précipitation sans pour autant tomber dans une attitude arrogante d’une personne imbue d’elle-même, qui cherche à se faire valoir par un ton et des propos suffisants. (Heureusement, il y a le figuier ou le mûrier !)…

    Enfin, le nom hébreu de l’amandier est « shaked », qui signifie “attentif”, “vigilant”.

    Sachant que le fruit de cet arbre est tout de même connu depuis le Paléolithique Supérieur et que l’arbre est cultivé depuis plus de 5 000 ans en Iran, il n’est donc pas étonnant de voir combien il a su faire parler de lui…

    La branche d’amandier

    De l’amandier tige fleurie,
    Symbole, hélas! de la beauté,
    Comme toi, la fleur de la vie
    Fleurit et tombe avant l’été.

    Qu’on la néglige ou qu’on la cueille,
    De nos fronts, des mains de l’Amour,
    Elle s’échappe feuille à feuille,
    Comme nos plaisirs jour à jour!

    Savourons ces courtes délices;
    Disputons-les même au zéphyr,
    Epuisons les riants calices
    De ces parfums qui vont mourir.

    Souvent la beauté fugitive
    Ressemble à la fleur du matin,
    Qui, du front glacé du convive,
    Tombe avant l’heure du festin.

    Un jour tombe, un autre se lève;
    Le printemps va s’évanouir;
    Chaque fleur que le vent enlève
    Nous dit : Hâtez-vous de jouir.

    Et, puisqu’il faut qu’elles périssent,
    Qu’elles périssent sans retour!
    Que ces roses ne se flétrissent
    Que sous les lèvres de l’amour!

    Alphonse de Lamartine, Nouvelles méditations poétiques