Un joli conte de Thanksgiving

Chaque dernier jeudi du mois novembre, dans la plupart des foyers américains, est célébrée la fête de Thanksgiving. Au menu, ce soir-là : l’incontournable dinde, rôtie et farcie, accompagnée de patates douces, ou de purée de pommes de terre, sans oublier la sauce canneberge, ni une énorme mystification.

Depuis fort, fort longtemps, il est, en effet, enseigné dans les écoles des USA, l’histoire fondatrice de la tradition qui sera perpétuée jusqu’à nos jours : 

En 1621, après avoir manqué de mourir de faim, les pèlerins du Mayflower furent recueillis par des Indiens qui vivaient là. Ces derniers leur transmirent leurs connaissances dans des domaines tels que la chasse, l’agronomie, la pêche, etc. Au point que les pèlerins produisirent ensuite une magnifique récolte.

Pour remercier les Indiens, le gouverneur de la baie du Massachusetts, William Bradford, organisa une fête en leur honneur. 

Mais la réalité historique diffère légèrement de cette belle histoire.

Je me souvenais avoir lu, dans l’un des premiers numéros de la formidable revue « America », un article éclairant sur cette forme de mystification qui est toujours pratiquée aujourd’hui et – effectivement – toujours enseignée aux petits américains dans les écoles. 

Je repris donc toute ma collection de revues « America » et, m’armant de patience, je feuilletais chaque numéro, en parcourant les différents textes, tous plus passionnants les uns que les autres. Ce fut dans le numéro 4 qu’enfin je touchais au but. Il s’agissait, en fait, d’un récit de l’écrivain américain Benjamin Whitmer, intitulé « L’Histoire Interdite », que j’eus un immense plaisir à retrouver. 

Voici, ci-dessous, en guise d’illustration de mes propos, quelques lignes tirées de cet article qui compte une bonne quinzaine de pages passionnantes qui méritent d’être lues afin d’appréhender à sa juste valeur cette Amérique qui a un « long passé d’usurpation de l’identité de ses victimes pour en créer de nouvelles »… 

« En mai 1637, un marchand local fut tué. Or, personne ne savait qui l’avait tué. Les pèlerins nourrissaient quelques griefs à l’égard de la tribu des Pequots et décidèrent que c’étaient eux les responsables. Alors ils lancèrent une attaque contre leur principal village, près de la Mystic River. Sous le commandement du capitaine John Mason, ils encerclèrent le village l’incendièrent et abattirent quiconque tentait de s’en échapper. 

Cinq personnes avaient survécu. Les pèlerins passèrent l’année suivante à les traquer, eux et tout autre Indien Pequot qui aurait pu se trouver hors du village lors de l’attaque. (…) Ensuite, les pèlerins se mirent en devoir d’éradiquer intégralement la tribu des Pequots. Ils déclarèrent que tout Indien réputé appartenir à cette tribu, serait exécuté sur-le-champ. (…)

L’extermination des Pequots : voilà ce qui mena à la première célébration de Thanksgiving américain. Le lendemain du Mystic Massacre, le gouverneur William Bradford décréta une « journée d’actions de grâce dans toutes nos églises, pour célébrer notre victoire sur les Pequots ».

C’est cela, et non la fête de 1621, qui constitua la première proclamation de Thanksgiving en Amérique. » (1)

Qui, ce soir, en Amérique, aura une petite pensée pour le massacre de Mystic River, en reprenant de la dinde rôtie et farcie, avec sa purée de pommes de terre et sa sauce canneberge ?

Note :

(1) Revue America, numéro 4, p. 89, hiver 2018 (america-mag.com)


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